Que faire en cas d'utilisation de vos photographies sans autorisation ?
La multiplication, notamment via internet, des utilisations non autorisées de photographies, génère pour les titulaires des droits un important manque à gagner. D’ores et déjà privés du gain légitime correspondant aux redevances non réglées, les titulaires des droits peuvent rechigner à engager les démarches et les frais qui en résultent pour faire cesser ces utilisations illicites et obtenir l’indemnisation de leurs préjudices.
Des prestataires reconnus offrent désormais des outils permettant d’identifier ces usages non autorisés et, à l’instar des professionnels du droit, des services de recouvrement amiable visant à obtenir le règlement de dommages et intérêts de la part d’utilisateurs indélicats. Une tarification adaptée s’applique à ces services.
En savoir plus
Si nécessaire, des actions judiciaires peuvent être engagées.
Ces démarches amiables et actions judiciaires suscitent en France, dans une proportion difficilement compréhensibles, des résistances injustifiées : n’est-il pas légitime que ceux qui vivent de la commercialisation de photographies cherchent à défendre leurs droits et intérêts auprès de ceux qui n’ont pas jugé nécessaire de les acquérir licitement ?
Quoiqu’il en soit, afin de pouvoir engager sereinement des démarches visant à la résolution amiable de ces litiges, mieux vaut prévenir les objections que certains ne manqueront pas de soulever.
En pratique, les démarches à entreprendre en cas d’utilisation non autorisée sont les suivantes :
- Définir autant que possible la nature des droits pouvant être revendiqués
- S’assurer de l’étendue de ses droits sur le cliché utilisé ;
- S’assurer que l’utilisation litigieuse est bien illicite ;
- Recueillir les preuves de cette utilisation illicite ;
- Identifier le responsable de l’utilisation illicite;
- Engager des démarches amiables.
De quels droits puis-je me prévaloir ?
Pour pouvoir bénéficier de la protection par le droit d’auteur, une photographie doit être originale au sens du CPI (en savoir plus). L’originalité étant un concept malaisé à appliquer, le titulaire des droits ne peut avoir une totale certitude quant à l’éligibilité de sa photographie à la protection par le droit d’auteur. Cette insécurité juridique est certes regrettable mais il faut en tenir compte. Pour celles et ceux qui se sont familiarisés avec le concept, une première analyse doit permettre de distinguer trois catégories de clichés :
- Les photographies manifestement originales
- Les photographies probablement originales
- Les photographies a priori non originales
En tout état de cause, même si le cliché concerné n’est pas original mais qu’il résulte d’un travail professionnel et d’investissements, il présente manifestement une valeur économique : pour réaliser un tel cliché, l’utilisateur indélicat aurait été contraint d’engager des frais plus ou moins importants (en savoir plus).
Ainsi, le propriétaire du cliché est susceptible de pouvoir revendiquer, à tout le moins, des droits d’auteur, avec une certitude plus ou moins grande selon la catégorie à laquelle appartient le cliché concerné, ainsi que le droit d’obtenir l’indemnisation des préjudices résultant de l’utilisation, sans bourse délier, de son travail. Ces deux droits, de nature juridique distincte, jouent, en principe, de manière alternative. Ils ne peuvent se cumuler que dans des situations spécifiques (en savoir plus).
Quelle est l’étendue des droits dont je dispose sur le cliché ?
Une démarche ou action à l’encontre d’un utilisateur indélicat n’est légitime que si les droits de celui qui agit ont bien été violés par cet utilisateur indélicat. D’où l’importance de vérifier l’étendue exacte de ses droits. Une question de preuve peut également surgir.
Si les démarches sont engagées par l’auteur de la photographie, ce dernier, sauf à ce qu’il ait transféré tout ou partie de ses droits à un tiers, n’aura guère de difficulté à prouver qu’il est bien habilité à agir à l’encontre de l’utilisateur indélicat : par principe, il est seul titulaire de l’ensemble des droits d’exploitation attachés à ce cliché.
Si ces démarches sont entreprises par le cessionnaire des droits, il faut alors distinguer entre le cessionnaire de la totalité des droits d’exploitation attachés à la photographie et le cessionnaire d’une partie seulement de ces droits.
Le cessionnaire – ou sous-cessionnaire – de la totalité des droits d’exploitation, par hypothèse acquis auprès de l’auteur du cliché ou du premier cessionnaire de l’auteur, n’aura pas non plus de difficulté à prouver son habilitation à agir contre l’utilisateur indélicat : il lui suffira de communiquer le contrat de cession qui lui a été consenti par le photographe.
De même, s’agissant du cessionnaire d’une partie seulement des droits d’exploitation, la communication du contrat de cession attestant bien que l’utilisateur indélicat a usé d’un droit relevant de la cession qui lui a été consentie, suffira à établir son droit à agir.
Cependant, cette preuve peut s’avérer délicate à fournir soit en raison de la confidentialité des clauses du contrat soit parce qu’elle est en soi insuffisante en raison d’une succession de contrats de cession que le titulaire actuel des droits n’est pas en mesure de produire – bénéficiant d’une garantie de la part de son cocontractant direct, il s’est légitimement dispensé de vérifier l’intégralité de la chaîne de cession des droits – soit, tout simplement, pour des raisons pratiques d’ordre, le plus souvent, administratives, les recherches à effectuer dans les archives étant chronophages ou inutilement dispendieuses. Il peut également arriver que le titulaire des droits ne soit pas en possession d’un contrat de cession sans que l’auteur photographe, seul maître de la validité des cessions qu’il a consenties, ait jamais songé lui contester la titularité effective desdits droits.
Souvent, des utilisateurs indélicats cherchent à tirer profit de ces difficultés probatoires. Pour couper court à ces objections, invoquées avec plus ou moins de mauvaise foi, les tribunaux, tout en rappelant que le formalisme des cessions de droits d’auteur imposé par le CPI est exclusivement destiné à protéger les auteurs et non les contrefacteurs, ont élaboré une présomption de titularité des droits au profit de l’exploitant de l’œuvre (en savoir plus). Cette présomption ne permet donc pas à l’utilisateur indélicat de contester à l’exploitant d’un cliché la titularité des droits sur le cliché en litige.
L’utilisation est-elle bien illicite ?
Le monopole d’exploitation conféré au titulaire des droits d’exploitation n’est pas absolu. Le CPI prévoit en effet que dans certaines hypothèses, l’utilisateur n’a pas à obtenir l’autorisation préalable du titulaire des droits. Tel est le cas, notamment, en cas de représentation privée et gratuite effectuée dans un cercle de famille ou en cas de reproduction ou de représentation à des fins d’illustration dans le cadre de l’enseignement ou de la formation professionnelle (en savoir plus).
De même, la représentation dite accessoire d’une œuvre, notamment dans le cadre d’un film ou documentaire, n’est pas assimilée à une utilisation illicite.
Toutes ces exceptions sont d’interprétation stricte : elles ne peuvent être étendues à des hypothèses qui ne sont pas celles, restrictivement conçues, visées par le législateur ou le juge.
Par ailleurs, il peut arriver qu’un utilisateur ait été licitement autorisé à utiliser le cliché par un tiers. Ce genre de situation peut survenir lorsque le cliché a fait l’objet de multiples cessions et que la cohérence des contrats ainsi conclus n’a pas été assurée.
Cette hypothèse, non théorique, souligne l’importance de la gestion contractuelle des droits.
Prouver l'utilisation illicite
L’utilisation d’un cliché est un fait. La preuve de ce fait est libre, à savoir que, tous les moyens de preuve sont recevables.
Dans un arrêt du 7 juillet 2021 (Cass. com., 20-22048), la Cour de cassation a encore rappelé que la contrefaçon peut être prouvée par tout moyen si bien qu’elle peut notamment l’être par des captures d’écran de sites internet.
Elle peut l’être également par une publication, des témoignages, une reconnaissance d’utilisation …
Le recours au constat d’huissier n’est donc pas obligatoire. Au demeurant, il a un coût souvent supérieur à l’enjeu du litige. S’il facilite la preuve de l’utilisation, en ce que le constat effectué par l’huissier ne peut être en principe contesté si ce n’est par le biais d’une procédure spécifique extrêmement rare, le formalisme imposé par la jurisprudence à ce mode de preuve n’exclut pas que la force probante d’un acte d’huissier puisse être remise en cause par une simple contestation de son mode d’élaboration. Si les constats d’huissier sont souvent présentés comme la preuve par excellence, ils ne sont donc pas l’abri de toute contestation.
Considérant que les intimés relèvent à juste titre que les procès-verbaux de constats sont sans valeur probante dès lors que l’huissier de justice s’est connecté sur l’Internet sans les précautions d’usage et qu’en tout état de cause, il ne mentionne pas l’adresse IP de l’ordinateur ; que ces procès-verbaux seront écartés des débats (CA Versailles, 15 juillet 2015, Lexis 360 n° 13/07057).
De manière générale, toute preuve reste soumise à l’appréciation du juge lequel, pour des motifs qu’il se doit d’expliciter, peut estimer, au cas par cas, que tel élément de preuve n’est pas pertinent (en savoir plus).
Identifier le responsable
Il s’agit là d’une évidence : les démarches amiables ou contentieuses ne peuvent favorablement aboutir si celui qu’elles mettent en cause n’est pas juridiquement responsable de l’usage non autorisé.
Pourtant, il n’est pas toujours aisé d’identifier le responsable. Les produits de l’édition papier, si tant est qu’elle soit professionnelle, identifient sans trop de difficulté l’éditeur du support. Son nom et ses coordonnées figurent notamment dans « l’ours » des journaux et magazines périodiques. C’est essentiellement Internet qui peut soulever de redoutables chausse-trapes.
Qui du webmaster chargé de la réalisation du contenu du site à l’origine de l’utilisation illicite ou de l’éditeur, « passif », du site est juridiquement responsable de l’atteinte aux droits du propriétaire du cliché ?
Editeur de service : le responsable direct du contenu
L’éditeur d’un site est pleinement responsable du contenu de son site dès lors qu’il en a la maîtrise. C’est donc contre lui qu’il conviendra d’agir.
L’éditeur de service est, selon la loi, la personne dont l’activité est d’éditer un service de communication au public en ligne, ce qui n’est guère éclairant. La définition légale apparaît davantage obscure à la lecture de la définition de la communication au public en ligne : « On entend par communication au public en ligne toute transmission, sur demande individuelle, de données numériques n’ayant pas un caractère de correspondance privée, par un procédé de communication électronique permettant un échange réciproque d’informations entre l’émetteur et le récepteur ».
Pour simplifier, l’éditeur d’un service de communication au public en ligne est le responsable d’un site internet, à savoir la personne morale ou physique qui en publie et contrôle le contenu. En application de l’article 6 de la loi du 21 juin 2004, l’éditeur de service doit mettre à la disposition du public les informations nécessaires à son identification.
Ces mentions informatives obligatoires figurent en principe dans les mentions légales dont la victime d’une utilisation fautive de photographies prendra soin de garder copie.
En dépit des sanctions pénales applicables en cas de non-respect de ces dispositions informatives, il n’est pas rare que certains sites en soient dépourvus. Il faudra alors procéder par recoupement (en savoir plus).
Irresponsabilité limitée des fournisseurs d’hébergement
Les fournisseurs d’hébergement sont « les personnes physiques ou morales qui assurent, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services ».
Ces prestataires effectuent une prestation de stockage d’informations. Ils ne sont que des intermédiaires entre des fournisseurs de contenus et les internautes qui consultent le site.
Sont notamment considérés comme des fournisseurs d’hébergement les forums de discussion ou les blogs, les sites de petites annonces, un moteur de recherche, une plate-forme permettant aux internautes de mettre en ligne des vidéos …
Dès lors que ces prestataires ne jouent pas un rôle actif leur permettant d’avoir une connaissance ou un contrôle des données stockées, la loi du 21 juin 2004 les soumet à un régime de responsabilité spécifique qui s’impose, notamment, aux victimes de contrefaçon.
Un hébergeur est susceptible de perdre le bénéfice de cette responsabilité spécifique s’il exerce un contrôle sur le contenu. Il a été ainsi jugé que n’a pas la qualité d’hébergeur, l’intermédiaire qui prête une assistance aux fournisseurs de contenus consistant notamment à optimiser la présentation d’offres de vente ou à promouvoir celles-ci (CJUE, 12.07.2011, C324/09 – Cass., 13.04.2023, 21-20252).
L’article 6, I. 2., de la loi du 21 juin 2004 dispose que les hébergeurs ne peuvent pas voir leur responsabilité civile engagée du fait des activités ou des informations stockées à la demande d’un destinataire de ces services s’ils n’avaient pas effectivement connaissance de leur caractère illicite ou de faits et circonstances faisant apparaître ce caractère ou si, dès le moment où ils en ont eu cette connaissance, ils ont agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l’accès impossible.
La mise en cause de la responsabilité d’un fournisseur d’hébergement, notamment en raison d’utilisation illicite de photographies, nécessite une démarche préalable d’information. La jurisprudence est particulièrement stricte quant à l’exhaustivité des informations communiquées au fournisseur par la victime d’une contrefaçon. La lettre recommandée avec accusé de réception s’impose (en savoir plus).
Le « Digital Services Act », entré en vigueur le 17.02.2024, impose aux très grandes plateformes en ligne – Alibaba AliExpress, Amazon Store, Apple AppStore, Booking.com, Facebook, Google Play, Google Maps, Google Shopping, Instagram, LinkedIn … – des obligations renforcées mais ne remet pas en cause le principe de l’irresponsabilité limitée des hébergeurs.
L’identification du fournisseur de contenus
Dans l’hypothèse d’un cliché publié sans autorisation sur le site d’un fournisseur d’hébergement, l’identification de l’auteur de cette publication peut s’avérer redoutablement compliquée. Il s’agit le plus souvent de personnes physiques qui ne se font connaître publiquement que par des pseudonymes. La victime n’a donc aucun moyen direct pour identifier le responsable.
Le II de l’article 6 de la loi du 21 juin 2004 dispose toutefois que les fournisseurs d’hébergement doivent détenir et conserver les données de nature à permettre l’identification de quiconque a contribué à la création du contenu ou de l’un des contenus des services dont elles sont prestataires.
La victime d’une utilisation illicite devra donc solliciter la communication des données d’identification auprès du fournisseur d’hébergement. Si ce dernier ne donne pas suite à cette demande, le juge pourra être saisi afin qu’il le lui ordonne, éventuellement sous astreinte.
Démarches amiables
Depuis quelques années, le législateur encourage les modes alternatifs de règlement des litiges. La médiation et la conciliation font ainsi l’objet d’une « promotion » appuyée, y compris lorsqu’un tribunal est d’ores et déjà saisi.
Les praticiens du droit n’ont pas attendu cet engouement législatif pour promouvoir auprès de leurs clients les vertus de la transaction. La confidentialité des échanges entre avocats permet en effet de libres échanges entre les conseils respectifs des parties. Si l’argumentation juridique constitue le socle incontournable des négociations, des approches purement factuelles, économiques et financières concourent à enrichir les débats et à dénouer de nombreux litiges.
L’action judiciaire n’est donc qu’un moyen comme un autre pour résoudre les conflits.
En tout état de cause, l’article 56 du code de procédure civile dispose que, sous peine de nullité de l’acte introductif d’instance, « sauf justification d’un motif légitime tenant à l’urgence ou à la matière considérée, en particulier lorsqu’elle intéresse l’ordre public, l’assignation précise également les diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige ».
Cet article contraint donc à mentionner dans l’assignation – l’acte juridique par lequel s’initie une procédure – les démarches amiables qui ont été effectuées préalablement à l’action judiciaire. Ce faisant, il rend obligatoire, d’une manière détournée, le recours à ces démarches.
Nous verrons donc, successivement :
- Les modes de calcul des préjudices subis ;
- Les étapes d’une démarche amiable ;
- Les issues de cette démarche.
Des modèles types sont proposés ainsi qu’un modèle de transaction.
Les modes de calcul des préjudices subis
Le CPI consacre un mode original de calcul des préjudices subis par la victime d’une contrefaçon. Théoriquement, ce mode de calcul n’est applicable qu’en cas d’exploitation non autorisée d’une photographie – ou autre œuvre – protégée par le droit d’auteur. On rappellera ici que la protection par le droit d’auteur est subordonnée à l’originalité du cliché (en savoir plus).
Rien n’interdit de s’y référer pour l’utilisation de cliché qui ne serait pas protégé par le droit d’auteur. Compte tenu des incertitudes inhérentes à la notion d’originalité, nous préconisons de suivre la méthode dite du « principal » et du « subsidiaire » telle qu’elle se pratique devant les tribunaux : si le cliché est original, il est protégé par le droit d’auteur, s’il ne l’est pas, son utilisation sans bourse délier constitue une faute engageant la responsabilité civile de l’utilisateur. Dans les deux hypothèses, le propriétaire du cliché subit des préjudices justifiant un dédommagement.
- 1ère méthode de calcul des dommages et intérêts
Cette méthode repose sur le chiffrage individualisé de chacun des préjudices subis. Ces préjudices correspondent :
- Au manque à gagner, à savoir le montant de la redevance que l’utilisateur aurait dû payer s’il avait sollicité une autorisation pour l’usage constaté de la photographie ;
- Les frais engagés pour identifier l’usage non autorisé, pour le faire cesser et pour obtenir l’indemnisation amiable des préjudices subis. Il s’agit là du prix éventuellement payé à un prestataire technique pour l’identification de l’utilisation non autorisée, des frais postaux, d’impression, de papeterie et des frais correspondant au temps passé pour gérer le dossier. Tout autre frais en rapport direct avec ces démarches peut y être ajouté (par exemple, des honoraires liés à une consultation juridique, des frais d’huissier, l’achat d’un modèle …) ;
- Au préjudice moral. Si c’est le photographe, auteur du cliché, qui agit, et que le cliché est manifestement ou probablement original au sens du droit d’auteur, il peut solliciter des dommages et intérêts spécifiques en cas de non-respect de ses droits moraux : absence de mention de son nom, atteinte à l’intégrité du cliché (recadrage, découpage, mauvaise qualité esthétique …). En tout état de cause, un préjudice moral existe lorsque le nom du professionnel ou du titulaire des droits (agences, banques d’images …) n’a pas été mentionné, cette mention participant de sa communication et de sa notoriété. Par ailleurs, le contexte de la publication non autorisée peut avoir un impact dévalorisant sur le cliché lequel est, quoiqu’il en soit, banalisé par cette publication ;
- Les bénéfices et économies d’investissement que l’utilisateur non autorisé a pu réaliser en exploitant le cliché. Si l’utilisateur indélicat a vendu le cliché ou la reproduit sur des produits qu’il commercialise (tee-shirt, tasses, sac …), il aura réalisé des bénéfices grâce à l’exploitation commerciale effective du cliché. Dans l’ignorance légitime du montant des bénéfices ainsi réalisés, la victime de l’utilisation illicite pourra toujours réserver ce préjudice dans l’attente escompté d’informations précises de la part de l’utilisateur. En tout état de cause, la loi autorise la victime de l’utilisation illicite à solliciter des dommages et intérêts correspondant à l’économie réalisée par l’utilisateur indélicat qui n’aura pas eu à effectuer les investissements nécessaires pour la conception et réalisation du cliché.
La quantification de ces différents préjudices doit, dans la mesure du possible, reposer sur des éléments chiffrés objectifs : redevances, frais engagés … Cette quantification peut s’avérer difficile ou impossible. Tel est le cas, notamment, pour les préjudices moraux. Pour ces derniers, le quantum des dommages et intérêts variera selon la notoriété du photographe, la qualité du cliché … Généralement, hors notoriété ou qualité spécifique du cliché, il se situe entre 500 et 1.500 euros par cliché, chiffre purement indicatif. Pour les autres préjudices difficilement quantifiables, on peut recourir à un forfait qui peut correspondre à un pourcentage de la redevance qui aurait dû être payée (en savoir plus). Il convient en tout état de cause de faire preuve d’objectivité.
- 2ème méthode de calcul des dommages et intérêts
Conscient que le calcul « mathématique » des préjudices subis, dont l’existence n’est pas en soi contestable, est une exigence impossible, le législateur autorise un calcul simplifié, calcul que pratiquait la jurisprudence bien avant cette création législative.
Le législateur autorise ainsi l’octroi, à titre de dommages et intérêts, d’une somme forfaitaire, somme qui doit nécessairement être supérieure aux redevances qui auraient été dus si l’auteur de l’atteinte avait demandé l’autorisation d’utiliser le cliché. Pour calculer ce forfait, il est d’usage d’appliquer à la redevance de base un coefficient multiplicateur généralement compris entre 3 et 5.
A cette somme forfaitaire correspondant à l’indemnisation des préjudices matériels, la victime de l’utilisation non autorisée peut ajouter une demande de dommages et intérêts pour ses préjudices moraux, lesquels seront identifiés et calculés comme il est dit pour la 1ère méthode de calcul.
Les étapes d’une démarche amiable
Il est d’usage, avant toute chose, d’écrire à l’utilisateur indélicat. La lettre recommandée avec accusé de réception est l’outil généralement usité : elle offre une preuve difficilement contestable des démarches entreprises.
Rien n’interdit la lettre simple, l’email ou le contact par téléphone. Ces derniers modes de communication seront toutefois préférablement utilisés au stade des échanges effectivement noués avec l’utilisateur indélicat.
En tout état de cause, il convient d’agir avec circonspection tant pour préserver ses droits que pour éviter les démarches intempestives. Le processus conseillé est le suivant :
1° – Rappel : avant toute démarche, recueillir et conserver les preuves recevables de l’utilisation non autorisée.
2° – Rappel : identifier la personne morale ou physique effectivement responsable de l’utilisation non-autorisée. Conserver une preuve de cette identification (mentions légales, extraits du support, …). Vérifier son adresse postale (annuaires, Infogreffe, societe.com, …).
3° – Vérifier que cette personne ne dispose pas éventuellement d’un droit légitime d’utilisation, notamment si la photographie concernée a fait l’objet de licence « multi-personnelle » d’utilisation, par exemple, lorsqu’elle a été consentie à une société et à ses filiales.
4° – Rédiger une « mise en demeure » et l’adresser, dans un souci probatoire, en recommandé. Un modèle de lettre est accessible ici. Un style immédiatement comminatoire n’est pas nécessairement adapté.
5° – En cas de réponse de l’utilisateur, répliquer à ses arguments.
6° – A défaut de réponse de l’utilisateur, le relancer (voir le modèle de relance).
7° – A défaut de réponse, une seconde relance peut s’avérer opportune.
L’issue des démarches amiables
Ces démarches amiables peuvent ne pas aboutir à un accord. La seule issue alors envisageable est une action judiciaire laquelle est le plus souvent précédée d’une ultime tentative de règlement transactionnel formalisée par l’avocat en charge du dossier.
Si les démarches amiables permettent d’aboutir à un accord, une fois arrêtés le principe et les modalités d’une solution amiable, les deux parties ont intérêt à formaliser cet accord via un contrat dénommé « transaction ».
Du point de vue du titulaire des droits, victime d’une utilisation non autorisée, le seul engagement de l’utilisateur indélicat de cesser toute exploitation du ou des clichés concernés et de l’indemniser à hauteur du préjudice estimé, peut s’avérer suffisant si cet engagement prend une forme écrite – lettre, télécopie ou email – susceptible de prouver les engagements ainsi pris dans l’hypothèse où l’utilisateur, de mauvaise foi, viendrait soudainement à se rétracter.
En général, l’utilisateur souhaitera légitimement que l’exécution de ses engagements mette définitivement fin au litige. Pour ce faire, il voudra formaliser l’accord intervenu par le biais d’une transaction.
Présentation générale de la transaction
Au terme de l’article 2044 du Code civil, « la transaction est un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître ». Selon ce même article, la transaction doit être rédigée par écrit.
L’existence d’un litige est une condition de validité de la transaction. Dans le cas qui nous occupe, l’existence de ce litige est difficilement contestable. On rappellera néanmoins dans le préambule de la transaction les données essentielles de ce litige.
Les concessions réciproques constituent également une condition de validité de la transaction : chacune des parties doit ainsi renoncer ou s’engager à quelque chose. L’utilisateur indélicat s’engagera généralement à payer à la victime une indemnité compensatrice des préjudices causés. Quant à la victime, elle renoncera expressément à engager une action judiciaire, tout en ayant, généralement, accepté de réduire ses demandes indemnitaires. Tout ici est question de négociation, des considérations générales qui ne relèvent pas du droit, pouvant être prises en considération : bonne ou mauvaise foi de l’utilisateur, diligences accomplies pour mettre fin au litige, situation financière du contrefacteur …
Les effets d’une transaction
Une transaction a des conséquences juridiques importantes. L’article 2052 du Code civil dispose en effet que « la transaction fait obstacle à l’introduction ou à la poursuite entre les parties d’une action en justice ayant le même objet ».
Selon la formule légale précédemment en vigueur, la transaction a, entre les parties, l’autorité de la chose jugée en dernier ressort. Cette formule, sans doute plus obscure pour les non-juristes, avait cependant le mérite d’exprimer avec force la portée d’une transaction. En l’assimilant à un jugement définitif, elle marquait clairement que le litige se trouve éternellement purgé, sous réserve naturellement qu’elle soit bel et bien exécutée.
Compte-tenu de ces effets, l’objet d’une transaction, à savoir la nature et l’étendue du litige auquel elle met fin, doit être précisément et soigneusement circonscrit. Il ne s’agit pas en effet d’interdire au photographe d’obtenir l’indemnisation d’une utilisation dont il n’aurait pas eu connaissance.
Le Code civil veille du reste à circonscrire les transactions dont il nous dit qu’elles « se renferment dans leur objet », formule qui signifie que « la renonciation qui y est faite à tous droits, actions et prétentions, ne s’entend que de ce qui est relatif au différend qui y a donné lieu » (article 2048). Son article 2049 précise que « les transactions ne règlent que les différends qui s’y trouvent compris ».